Je ne boude pas mon plaisir en écrivant que c’est une vague rose qui déferle sur les municipalités françaises. Le rapport de force gauche/droite est de 49,5%/47,5%. La gauche triomphe dans des villes où elle n’était pas aux commandes : à Amiens, à Caen, à Reims, à Saint-Etienne et surtout à Strasbourg et à Toulouse. D’autres villes conservent leur ancrage socialiste : à Lille (où Martine Aubry est plus qu’honorablement réélue) à Pau (où Bayrou perd son pari) et à Périgueux (où le ministre Xavier Darcos échoue).
Avec la confirmation d’une avance confortable des socialistes à Paris et à Rennes, tout en tenant compte de la ville de Lyon acquise au premier tour, la gauche et le PS l’emporte dans la majorité des grandes villes de plus de 20.000 habitants, la droite conservant uniquement Bordeaux (dès le premier tour) et Marseille.
Trois enseignements s’imposent :
En terme de lecture locale, les grandes villes françaises changent. Ces élections amplifient fortement la légère tendance remarquée aux municipales de 2001 selon laquelle les grandes villes (qui évoluent et) tendent, au travers du vote des électeurs, vers une gestion municipale de gauche. Avec des scores majoritaires dans les grandes villes, victorieux aux cantonales et depuis 2004 gestionnaires dans la quasi totalité des régions, le Parti Socialiste et ses alliés accroissent leur expertise locale. Il reste intéressant de constater que la relation la plus direct (politiquement parlant) élu/électeur leur est favorable.
En terme de lecture nationale, la droite sarkoziste se voit opposer un double avertissement. D’abord, le taux d’abstention est un révélateur important du relatif mécontentement d’une partie de la population lorsque celui-ci reste important. Dans le cas de ces municipales, les 34,5% d’abstentionnistes lancent un signal fort à Nicolas Sarkozy. Ensuite, ce basculement de la majorité municipale d’un camp à un autre n’est pas anodin; je rappelle que 1/3 des électeurs a orienté son vote en fonction d’une lecture nationale du scrutin. Quelles sont les raisons profondes de ce double avertissement : un style présidentiel qui irrite, doublé d’une incapacité à répondre à l’amoindrissement du pouvoir d’achat des classes populaires et d’une partie des classes moyennes ainsi que celui des retraités. Le plus inquiétant est que la droite semble, via les premières réactions de ses leaders, quelque peu minimiser l’impact de ces élections et ne pas entendre les doléances mentionnées ci-dessus.
Pour le Parti Socialiste, ces élections municipales et ces élections cantonales ouvrent l’écriture d’un nouveau chapitre, celui de la confirmation (dans le cas de l’ex candidate Ségolène Royal et celui de l’actuel premier secrétaire François Hollande) ou de la désignation (de Bertrand Delanoe) du nouveau leader du parti. En corollaire, il s’agira de travailler sur le corpus idéologique du parti tout en clarifiant son orientation en répondant à la question suivante : le PS doit-il tendre vers le centre-gauche ou marquer un positionnement de « gauche moderne » à la fois unie, sociale, écologiste, moderne et dépourvue de discours ambigu.